Le domaine de Nully a vu le jour en 2020 en Haute-Marne. L’exploitation porte aujourd’hui un projet d’hébergement, à la ferme atypique, ce qui lui a permis d’être lauréat du concours Tous à la ferme, soutenant les agriculteurs souhaitant accueillir des touristes sur leurs exploitations. Échange avec Edmond De Mandat Grancey, son fondateur.
D’où vous est venue l’idée de créer ce domaine ?
L’idée m’est venue de mon grand-père, résistant pendant la guerre, qui a été prisonnier, a perdu ses frères… Il en a tiré une grande simplicité et une vraie joie de vivre au sens propre. Il m’a transmis sa passion de l’agriculture et de la sylviculture. Je travaillais de 6h à 22h tous les jours à Paris, et je voulais moi aussi transmettre des valeurs à mes enfants, passer du temps avec eux, leur montrer ma vision de l’agriculture. Finalement, j’ai créé le lieu dont j’avais besoin.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet d’hébergement qui vous a permis d’être lauréat de Tous à la ferme ?
D’ici à 2025-2026, nous prévoyons d’installer huit logements dans la forêt, mais pas du type cabane ou ce qu’on trouve habituellement dans ce type de lieu. Nous voulons des habitations en pierre et bois mais plutôt contemporaines, assez haut de gamme.
Que produisez-vous sur le domaine de Nully ?
Quatre hectares du domaine sont consacrés au maraîchage, que nous pratiquons en nous inspirant de la permaculture. Un modèle adapté à une production plus importante devrait nous permettre une bonne rentabilité. A cela s’ajoutent 320 arbres fruitiers sur un hectare.
Nous pratiquons aussi l’élevage, principalement des poules (1200 chaque année), que nous vendons vivantes directement sur place, et des lapins, environ 500 par an. Ceux-ci disposent d’un clapier de 110 m2 chacun, ce qui correspond à la surface d’herbe nécessaire pour les nourrir sans apport supplémentaire de nourriture. Je leur donne seulement un peu de grain en hiver. Cette méthode d’élevage est pratiquée en Amérique du Sud. Elle étonne beaucoup, mais elle me permet de ne visiter mes lapins que tous les quinze jours et l’installation devrait être rentabilisée en trois ou quatre ans maximum. J’élève aussi des chèvres de Lorraine, qui sont vendues à des producteurs. Globalement, nous ne choisissons que des races de l’Est de la France, qui sont très rustiques et qui méritent d’être sauvegardées.
Quelles sont les autres activités qui rendent ce domaine atypique ?
J’avais aussi envie de faire de mon exploitation un lieu de vie où les gens viennent se détendre et se cultiver, passer un moment agréable en famille et entre amis. Nous avons donc ouvert un restaurant à proximité des deux étangs qui se trouvent sur l’exploitation, et qui ne sert pratiquement que des produits locaux. Quatre marchés de producteurs se sont tenus sur ce lieu, permettant de faire découvrir les agriculteurs autour de chez nous et les métiers du vivant. Des événements culturels variés sont aussi organisés sur le domaine : concerts de rock, de musique classique, bientôt cinéma et théâtre en plein air. Ces événements sont uniques et originaux, le théâtre se déroulera dans la forêt et nous installerons des lustres dans les arbres. De façon générale, je suis attaché à une certaine forme d’esthétisme, que les visiteurs apprécient. Ils me font souvent la réflexion que le domaine ressemble à un jardin.
C’est une initiative qui est très soutenue par les pouvoirs publics et les habitants car elle répond à un vrai besoin. L’offre culturelle est rare à la campagne, et les personnes qui viennent sur le domaine n’iraient pas faire cent kilomètres pour écouter un opéra. Ils travaillent déjà toute la semaine et ça ne fait pas partie de leurs habitudes. C’est parce qu’ils sont au milieu des bottes de paille, des lapins et des tomates qu’ils viennent écouter des violons. Je suis ravi de pouvoir offrir du temps de qualité aux familles qui viennent se retrouver et se cultiver sans même s’en apercevoir, à seulement quelques kilomètres de chez eux.
Quelles sont vos perspectives pour les années à venir, vos projets ?
Je travaille activement à la recherche de techniques de maraîchage qui permettent d’assurer une bonne rentabilité aux exploitants, d’avoir un revenu correct et de trouver du temps pour eux. Beaucoup de maraîchers peinent à se dégager un salaire décent et ne peuvent même pas prendre une semaine de vacances. Si rien ne change, les petites exploitations maraîchères n’existeront plus dans vingt ans. Pour les années à venir, je souhaiterais continuer dans cette voie et consolider tous les projets en cours sur le domaine de Nully.
Ensuite, j’aimerais beaucoup accompagner d’autres porteurs de projets, particuliers ou collectivités, qui voudraient faire la même chose que moi. Pourquoi pas aussi racheter des fermes abandonnées pour les restaurer et ouvrir des hébergements pour des urbains souhaitant faire quelques jours ou quelques semaines de télétravail à la campagne.